Les chiffres des pertes humaines à Gaza sont devenus les statistiques de guerre les plus scrutées et les plus relayées du XXIe siècle. Pourtant, comme dans tout conflit, le bilan réel reste par nature incertain et aucun jeu de données ne peut échapper à ces limites.
Au début décembre 2025, le « ministère de la Santé de Gaza », contrôlé par le Hamas, avance le chiffre de 70 000 morts. Un chiffre totem dont l’examen détaillé révèle une réalité bien différente, faite d’omissions calculées et de manipulations structurelles qui masquent la véritable nature des pertes.
Premier constat, d’ordre statistique : le Hamas présente ce total comme si chaque décès était imputable aux opérations israéliennes. Or, deux ans après le début du conflit, il est certain qu’une partie importante des morts résulte de causes naturelles. Avant le 7 octobre, Gaza enregistrait environ 6 500 décès naturels par an. Pendant dix-huit mois, le Hamas a pourtant affirmé que chaque nom figurant sur ses listes était une victime de guerre, avant de reconnaître très discrètement, en avril 2025, que beaucoup étaient morts de causes non liées au conflit. De plus, aucune liste séparée n’a jamais été publiée, ce qui confirme que ces décès naturels ont été intégrés au total pour gonfler artificiellement les chiffres.
Alors, si l’on confronte ces données aux tendances démographiques de Gaza, on estime qu’environ 13 000 morts naturelles – auxquels s’ajoutent plus d’un millier d’erreurs ou de doublons – figurent dans les listes officielles. Une fois ces anomalies retirées, le nombre de décès effectivement liés à la guerre tombe mécaniquement à environ 56 000.
Sauf que tous ces décès ne sont pas imputables à Israël. Une part significative relève de violences internes ou de l’effondrement de l’ordre public : exécutions de collaborateurs présumés, règlements de comptes entre clans, tirs fratricides, sans oublier les roquettes du Hamas dont environ 20 % retombent dans la bande de Gaza comme lors de l’incident à l’hôpital Al-Ahli. Des incidents documentés, tels que l’exécution de travailleurs humanitaires ou de membres de clans rivaux, montrent que les acteurs internes sont responsables d’environ 4 000 morts. Ce sont des victimes de la guerre, certes, mais pas des victimes de l’armée israélienne.
Mais le cœur de la distorsion réside dans le comptage des combattants. L’armée israélienne estime en avoir éliminé 25 000. Un chiffre cohérent avec l’effondrement militaire du Hamas et avec les données démographiques publiées par le Hamas lui-même, qui révèlent un ratio de trois hommes en âge de combattre tués pour une femme.
Un tel excédent – plus de 22 000 hommes au-dessus de la distribution normale de la population – ne peut s’expliquer que par une campagne ciblée contre les combattants, et certainement pas par des frappes indiscriminées, comme le prétendent ceux qui fantasment un génocide des Palestiniens pour justifier leur diabolisation des Juifs et faire d’Israël un État paria au sein de la communauté internationale.
Certains parmi eux se permettent d’être encore plus extrême que le Hamas en évoquant un bilan sous-estimé qui pourrait atteindre plus de 100 000 morts en raison des corps supposément « sous les décombres ». Mais cet argument, en plus d’être contraire à la réalité du terrain et au bon sens, est fondamentalement fallacieux. Les familles gazaouies ont un intérêt financier direct à déclarer les décès, même sans corps, afin d’obtenir des compensations. Le système de notification permet en outre de signaler un disparu par une simple déclaration – et les données disponibles montrent que des milliers de décès sans corps sont déjà inclus dans le total officiel. Imaginer que des dizaines de milliers de civils auraient disparu sans que leurs proches ne les déclarent pendant deux ans est tout simplement invraisemblable.
En conclusion, l’analyse factuelle conduit à une estimation de 1,2 à 1,5 civil tué pour un combattant – ce qui est du jamais vu pour une guerre urbaine d’une telle densité. C’est de très loin inférieur à celui de toutes les guerres en cours sur la planète, mais aussi aux diverses opérations occidentales passées en Syrie, en Irak ou en Afghanistan.
Évidemment, chaque vie civile innocente fauchée est une tragédie. Mais travestir la guerre de légitime défense d’Israël à Gaza – que les Gazaouis ont déclaré – en « génocide » est un mensonge ignoble.
Les données, y compris celles du Hamas, démontrent que l’armée israélienne a conduit une campagne extrêmement ciblée contre un ennemi qui instrumentalise sa propre population comme bouclier humain. La réalité derrière ces chiffres est celle d’une construction statistique destinée à transformer une défaite militaire en un réquisitoire moral contre Israël par ceux qui rêvent de son annihilation. Et ça, nous ne l’accepterons jamais.
Arié Bensemhoun