Culture

    Grégory Cohen : "La cuisine, c’est du dialogue, de la générosité. Pas briller, pas brûler, mais se relier"

    5 minutes
    23 juin 2025

    ParGabriel Attal

    Grégory Cohen : "La cuisine, c’est du dialogue, de la générosité. Pas briller, pas brûler, mais se relier"
    Cyrielle Sarah Cohen et Grégory Cohen

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    Ce jeudi 23 mai sur Radio J, Cyrielle Sarah Cohen recevait Grégory Cohen, chef cuisinier, entrepreneur, animateur télé et chroniqueur sur France 2 et France Inter, pour une émission où il livre bien plus que des recettes. 

    L’occasion de présenter son livre « Yalah ! » paru aux éditions Leduc, et de revenir sur un parcours de vie profondément enraciné dans la transmission, l’identité et la mémoire. 

    « Le 7 octobre a été le déclencheur d’un cataclysme » 

    Dès les premières minutes de l’émission, Cyrielle Sarah Cohen évoque avec lui le 7 octobre 2023. Grégory Cohen, serein mais lucide, se confie sur ce jour qui a résonné comme un séisme : 

    « Le 7 octobre, ça a été le déclencheur d’un cataclysme qui ne cesse d’avoir des ondes de choc… Et on est passé de victime à agresseur. C’est surréaliste. »

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    Engagé mais mesuré, il dénonce une spirale d’information toxique et de haine amplifiée : « Aujourd’hui, on est dans une consommation immédiate d’information brûlantes, vraies ou fausses, on s’en fout »

    Mais il garde espoir, citant le vote massif du public pour Israël à l’Eurovision comme un rappel que « la majorité silencieuse ne se laisse pas convaincre par les bruits qui courent »

    « Je suis un papa, humain, un curieux » 

    Face à la question rituelle des trois mots pour se décrire, Grégory Cohen hésite, sourit, puis lâche : « Je suis un Papa, je suis Humain. Et je suis profondément Curieux. »

    Ce triptyque dit tout : la tendresse, l’engagement, la quête d’apprendre. 

    Né à Neuilly-sur-Seine le 16 mars 1968, Grégory a grandi à Paris dans une famille aimante. Il débute la cuisine à 13 ans dans le restaurant de son père, rue de Verneuil, où il croise des figures mythiques. « Lino Ventura est revenu une semaine après avec un faux pistolet de cinéma juste pour moi », raconte-t-il, les yeux brillants. Quant à Serge Gainsbourg, il portera toute sa vie la fausse Légion d’honneur qu’un jeune Grégory lui avait remise après une escapade scolaire. 

    « J’ai eu un problème de concentration. Alors je vagabondais dans mes pensées. »

    Ce rêveur-né préfère la liberté aux cases. À 14 ans, il programme un jeu vidéo.  À 20 ans, il va faire son service militaire, par conviction républicaine. “Je suis profondément républicain, profondément attaché à la France pour moi, ça faisait partie des devoirs et des obligations”

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    Mais quand son père lui propose de reprendre le restaurant familial et d’apprendre chez Bocuse, il prend le large. Direction Haïti, les Etats-Unis, puis Apple. 

    Il raconte sa rencontre avec Steve Jobs lors d’une exposition ratée mais marquante : « Il s’arrête, regarde mon kakémono, et dit : « It’s very powerful’. Trois heures plus tard, j’avais une offre pour rejoindre Cupertino.»

    Il grimpe vite : vice-président Apple Europe, 10 000 personnes sous sa direction. Mais l’absence de sa famille le rattrape. « Ma fille m’a regardé comme si elle ne me connaissait pas. Là, j’ai tout arrêté. »

    « Je me suis remis à cuisiner pour elle. Et tout est reparti de là » 

    Après un an sabbatique et un divorce, Grégory crée un blog de cuisine avec ses enfants, “Un homme aux fourneaux”, sous le pseudo. « Unomafu ». Le plaisir revient. L’instinct aussi. « J’ai appris la cuisine comme une langue étrangère. C’est devenu naturel » 

    Puis tout s’enchaîne : émission télé, food trucks, consulting dans des hôtels de luxe. Il devient un visage familier du petit écran, reconnu pour sa bienveillance. « Les gens disaient que j’étais un chef sympa. Alors on m’a proposé de présenter Chéri(e), c’est moi le chef sur France 2 » 

    « Yalah, c’est une manière de dire allez, on avance ensemble » 

    Grégory Cohen consacre désormais son énergie à One Place, un complexe gastronomique de 1000 m2 à Rungis, avec cinq restaurants inspirés de ses voyages et origines : levantin, new-yorkais, italien, asiatique, végétarien. 

    « J’ai concrétisé tous mes rêves dans un seul lieu » dit-il. 


    Son livre Yalah, mot universel qui signifie « on y va » en arabe, célèbre la Méditerranée dans toute sa diversité. « Yalah, c’est un mot qui rassemble »

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    Le livre raconte aussi ses histoires de famille, de transmission, de mémoire. Celle de sa mémé Camille qui nourrissait toute la famille dans 30m2, ou de sa belle-mère Nasica, grecque d’Egypte, « qui m’a un jour dit : quand on est amoureux, on met du sel » 

    « Un restaurant, c’est pour restaurer les forces. On oublie que c’est ça, l’essentiel. »

    Pour lui, la cuisine est politique sans être militante. Elle fédère, rassemble, apaise. « Au début d’un repas, on peut être tendus. Mais au dessert, tout le monde se détend » 

    Ambassadeur de la marque Bleu Blanc Coeur, parrain de la Semaine du goût, investi dans les hôpitaux, il défend un bien-manger éthique, pour tous. « Le bien manger, c’est pas une question de pouvoir d’achat. C’est une question de culture. »


    « Vous cuisinez comme vous êtes : généreux, attentif … mais jamais tiède » 

    Le mot de la fin revient à Christian Richomme, qui signe le portrait psychologique : « Vous mijotez des émotions à feu doux. On ne vient pas chez vous pour manger. On vient se souvenir, se préparer, parfois se retrouver. » 

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    Raphaël Sebag