On estime que 3 millions d’Israéliens ont été affectés psychologiquement par la guerre, notamment des milliers d’adolescents déplacés de leurs foyers, tant dans le sud près de Gaza que dans le nord du pays. La Société pour la Protection de la Nature en Israël (SPNI) a lancé un programme innovant intitulé « Voyages de Résilience », qui s’appuie sur les paysages naturels spectaculaires d’Israël pour aider les adolescents traumatisés à se reconstruire et à développer leur résilience. « Nous savons par notre propre expérience que la nature nous fait du bien, explique Lawrence Kasmir, directeur adjoint du développement à la SPNI Elle apaise, facilite la respiration, et réduit le stress. »
Ce type d’approche, souvent appelée écothérapie, est soutenu par de nombreuses recherches scientifiques. Le concept s’est popularisé au Japon dans les années 1980 sous le nom de « bain de forêt » — une immersion dans la nature pour se libérer des tensions mentales et émotionnelles. La SPNI a adapté ce principe aux besoins spécifiques des jeunes Israéliens.
Les « Voyages de Résilience » durent quatre jours, immergés en pleine nature, dans des lieux tels que les montagnes d’Eilat, le désert de Judée ou la région du Carmel. Chaque parcours commence par une session préparatoire et se termine par une rencontre de suivi. Chaque adolescent reçoit différentes responsabilités : préparer le petit déjeuner, filmer des interviews de ses camarades, etc. Ce dernier aspect est essentiel : à la fin, un documentaire auto-réalisé retraçant leur voyage physique et émotionnel est projeté aux participants. Le projet spécifique des Voyages de Résilience a, lui, accompagné environ 300 adolescents, dont un groupe initial venant de Majdal Shams, une localité druze du nord frappée par une roquette l’année dernière.
Chaque jour du programme suit un objectif pédagogique précis. « Par exemple, le deuxième jour est consacré à un défi physique sur un sentier plus long, indique Naama Shalem, responsable du projet. « On veut qu’ils atteignent leurs limites pour découvrir qu’ils peuvent les dépasser. » Le troisième jour, les ados choisissent leur propre défi — randonnée exigeante, techniques de survie, etc. « Lorsqu’ils font ce choix eux-mêmes, leur capacité à faire face est démultipliée. Ils terminent ce jour fiers d’eux. »
Le programme est encore récent, mais les premiers résultats sont encourageants. « Quatre participants sur cinq déclarent utiliser au quotidien les compétences acquises pendant le programme. Shalem cit le cas d’un groupe d’adolescents évacués, très réticents au départ. Les deux premiers jours ont été intenses. Mais le troisième jour, 85 % ont choisi le parcours le plus difficile. Ils étaient motivés, géraient eux-mêmes la navigation, limitaient les pauses pour atteindre leur but. Une fois arrivés à une source d’eau au bout du chemin. Ils ont plongé, sans se soucier de l’absence de douches ni de leurs téléphones. Ils étaient ensemble, riaient, discutaient, prenaient des photos. À la fin de la journée, ils se sont mis à s’applaudir eux-mêmes. « C’était bouleversant de les voir si fiers » déclare-t-elle.
La SPNI prévoit de porter ce chiffre à 700 à 800 participants l’an prochain. Des déclinaisons sont en cours de développement pour les enfants plus jeunes (CM1-CM2) et pour les soldats récemment démobilisés.
Après 70 ans de préservation de la nature israélienne, la SPNI utilise désormais ces paysages protégés pour soigner la jeunesse du pays. « Nous sommes la Société pour la Protection de la Nature en Israël, et maintenant, nous utilisons la nature d’Israël pour protéger la société », conclut Kasmir.
Jean-François Strouf