Israël

    La nouvelle doctrine militaire israélienne, chronique d'Arié Bensemhoun

    4 minutes
    6 novembre 2025

    ParGabriel Attal

    La nouvelle doctrine militaire israélienne, chronique d'Arié Bensemhoun
    Le directeur du think tank Elnet France, Arié Bensemhoun

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    Bonjour Rudy, 

    Pour Israël, le 7 octobre 2023 n’a pas seulement été le pire jour de son histoire. Ce fut un point de rupture — un « 11 septembre » démultiplié — qui a pulvérisé toutes les certitudes de sa doctrine de sécurité.

    Jusque-là, l’État juif s’appuyait sur un triptyque clair : dissuasion, prévention, confinement. La supériorité militaire, des renseignements performants et une gestion mesurée des menaces régionales paraissaient suffisants. Le prix d’un affrontement décourageait ses ennemis d’une guerre d’ampleur.

    Mais face à une organisation islamiste prête à tous les sacrifices pour un projet théologique consistant à tuer le plus de Juifs possible, cette logique s’est effondrée.

    Là où un État rationnel calcule ses pertes, le Hamas célèbre les siennes. Cette rupture ontologique — entre une démocratie qui chérit la vie et une organisation qui glorifie la mort — rend la dissuasion classique inopérante. Dès lors, nous ne sommes plus dans la gestion du conflit, mais dans une lutte totale. 

    C’est pourquoi la réponse israélienne a pris la forme d’une nouvelle doctrine, celle du « zéro Hamas ». 

    Plutôt que de contenir un adversaire affaibli, l’objectif devient son éradication — avec la destruction des infrastructures militaires, la neutralisation des cadres, le démantèlement du contrôle territorial, et son désarmement complet. Il ne s’agit plus d’une politique de demi-mesure, mais bien d’une logique d’éradication assumée face à une entité dont la seule raison d’être est la destruction de l’État juif.

    Cette doctrine pousse Israël à revenir à une posture préventive plus offensive : frapper avant d’être frappé, neutraliser les foyers de menace avant qu’ils ne deviennent existentiels. C’est en quelque sorte un retour à la philosophie militaire des années 1960, celle de l’anticipation, mais adaptée à l’ère des guerres hybrides.

    Le 7 octobre a également aboli la frontière entre sécurité intérieure et sécurité extérieure avec des civils israéliens attaqués chez eux, sur leur propre sol, tout en introduisant la menace de la destruction directement au cœur des grandes villes, à travers les salves de missiles balistiques iraniens — ce que les roquettes du Hamas, auxquelles les Israéliens étaient habitués, ne parvenaient pas à accomplir. 

    L’armée, longtemps tournée vers l’extérieur, a donc dû replacer la protection du front intérieur au cœur de ses priorités. Le renseignement, la coordination entre Tsahal, le Shin Bet et la police, la résilience civile — tout doit être repensé. 

    Comment une société ouverte, prospère, connectée, peut-elle absorber un choc de cette violence sans sombrer dans la peur et la division ? C’est désormais la grande question.

    Israël ne peut plus se contenter d’une posture défensive face à un axe hostile qui gagne en cohérence. Il lui faut reconfigurer son environnement stratégique : frapper au-delà de ses frontières quand nécessaire, renforcer la coopération militaire régionale et consolider des capacités autonomes de frappe et de renseignement. La sécurité doit reposer prioritairement sur la capacité d’action propre d’Israël, et non sur le statu quo ou la bonne volonté internationale.

    Et ce changement n’est pas seulement militaire, il est aussi philosophique. 

    Le 7 octobre a réinscrit Israël dans une lecture civilisationnelle du conflit. L’éthique commande de préserver l’innocence face à la barbarie, non de renoncer aux armes au nom d’un humanisme dévoyé. 

    Plus que jamais, l’État juif revendique le droit — et le devoir — de se défendre, sans se laisser paralyser par une « morale inversée » qui condamnerait la force nécessaire à la protection de sa population.

    La victoire ne se mesurera plus par une signature de paix qui résoudra tout, mais par la capacité à durer, à protéger les citoyens et à préserver ses valeurs. Cette permanence impose un réarmement moral autant que militaire : la paix, si elle vient, viendra de la vigilance et de la force assumée, non d’une modération naïve des ennemis. 

    Dans le cadre du Plan Trump, la communauté internationale pourra bien proposer des plans de stabilisation ou le déploiement de forces de sécurité, mais Israël les évaluera selon un critère simple : permettent-ils d’éliminer définitivement la menace ?

    Si la réponse est non, et que le démantèlement du Hamas ne peut être assuré par des acteurs extérieurs, l’histoire et l’impératif de survie commanderont à l’État d’Israël d’agir pour protéger les siens — qu’importe l’opinion de la communauté internationale.

    Arié Bensemhoun

    ActuJ