Les travaux du futur Mémorial de la Shoah ont été lancés ce mercredi à Nice, place Masséna. Radio J était sur place.
Porté par la Ville de Nice, en partenariat avec le Mémorial de la Shoah de Paris et la Région Sud, ce projet répond à un double enjeu : rappeler le passé local une ville d'abord refuge pour les Juifs fuyant la persécution, avant de devenir le théâtre de rafles et lutter activement contre l'oubli et la montée de l'antisémitisme aujourd'hui
Nice, entre refuge et persécution
La cérémonie d'inauguration a rassemblé de nombreuses personnalités dont Serge Klarsfeld, rescapé d'un tirage au sort à Nice et « profondément ému de savoir que les enfants déportés ne seront pas oubliés ».
Au milieu des officiels et du public, l’ancien chasseur de nazi prend la parole…
« J’ai huit ans, elle en a onze. Nous sommes cachés dans un placard. Le bruit des bottes des kapos résonne dans les escaliers. Notre père est arrêté ce jour-là. Moi, je survivrai. »
Quelques secondes de pause…. Dans l’assistance, certains yeux s’embuent. Puis, la voix plus grave, il ajoute :
« Cette génération de témoins est en voie d’extinction… Je dois être un des derniers à avoir survécu aux rafles à Nice. »
Pendant l’occupation italienne, Nice a été perçue comme un refuge pour des milliers de Juifs fuyant les persécutions ailleurs en France. Mais tout bascule en septembre 1943 : avec l’arrivée des troupes allemandes et de la Gestapo, la ville devient le théâtre de rafles et de déportations.
Des figures emblématiques en furent victimes : Simone Veil, arrêtée avec sa famille en 1944 ; l’artiste Charlotte Salomon, déportée à Auschwitz à seulement 26 ans ; ou encore Arno Klarsfeld, père de Serge, assassiné dans les camps.
La ville a toutefois connu des actes de résistance courageux.
Monseigneur Paul Rémond fournissait de faux certificats de baptême. Odette et Moussa Abadi ont sauvé plus de 500 enfants grâce à leur réseau Marcel. Le banquier Angelo Donati tenta d’organiser l’évacuation de milliers de Juifs vers l’Afrique du Nord. Tous ces noms ont été honorés au cours de la cérémonie.
Un projet contre la banalisation de la haine
Souhaité notamment par Christian Estrosi, maire de Nice, le mémorial vise aussi à apporter « une réponse à l'antisémitisme » et à faire barrage aux fake news et au négationnisme. Selon le maire, « la France n'est pas antisémite, mais il est impératif de réagir avec la plus grande fermeté face à toute banalisation de la haine ».
Ce Mémorial niçois deviendra ainsi un « passeur de mémoire » pour les générations futures et un outil essentiel pour la transmission de l'histoire et le vivre-ensemble.
De l’ancienne sous-station Lebon au Mémorial : un lieu de mémoire
Après la cérémonie officielle, nous avons pu visiter l’ancienne sous-station électrique Lebon, appelée à devenir le Mémorial de la Shoah de Nice.
Cet édifice des années 1930 sera entièrement rénové pour accueillir, fin 2026, un espace muséal de 600 m².
Le projet, confié aux architectes niçois Nicolas Février et Jennifer Carré, proposera un parcours immersif mêlant archives inédites, témoignages audiovisuels et dispositifs interactifs.
Deux salles pédagogiques accueilleront élèves et enseignants, tandis qu’un espace d’expositions temporaires viendra enrichir la programmation.
Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah de Paris, confie à Radio J que "parler d'histoire dans les murs mêmes d'une ville où tant de drames se sont joués est précieux, car cette mémoire appartient aujourd'hui à tous les habitants".
En rejoignant le réseau des lieux de mémoire du Mémorial de la Shoah, le futur musée de Nice racontera une histoire locale singulière : celle d’une ville à la fois refuge et martyre. Mais il sera aussi un espace d’éducation et de vigilance citoyenne, dans un contexte où le racisme, l’antisémitisme et le complotisme continuent de se répandre.
Nina Allouche