Bonjour Arié Bensemhoun, cette semaine, vous souhaitez évoquer la vague de haine contre Israël.
Bonjour Eva.
Depuis le 7 octobre 2023, nous avons définitivement basculé dans l’ère de la post-vérité. Une époque où les faits s’effacent devant les émotions, où le réel s’incline face aux récits. Et dans ce théâtre de miroirs déformants, un récit s’est imposé : celui d’un Israël monstrueux, devenu symbole de l’injustice et du mal.
On l’accuse d’être un régime « fasciste », gouverné par des fanatiques religieux, pratiquant l’apartheid, affamant une population entière, ciblant femmes et enfants, et menant une politique de nettoyage ethnique – voire de génocide.
Des accusations délirantes, obscènes, mais devenues banales. Car sur les réseaux sociaux, les bulles algorithmiques amplifient une propagande redoutablement efficace, diffusée par les ennemis d’Israël. Peu à peu, ces fictions contaminent les esprits, s’enracinent dans l’opinion et infiltrent les parlements, où des élus ont transformé leur mandat en croisade contre l’État juif.
Aujourd’hui, cette haine engloutit tout. Quand Emmanuel Macron parle de « honte » à Gaza, Dominique de Villepin de « déportation », ou Jean-Noël Barrot de « mouroir », ils ne se contentent pas de condamner une guerre juste : ils offrent une victoire idéologique aux ennemis d’Israël et du monde libre – et à leur entreprise de diabolisation et de déshumanisation.
Israël, jadis perçu comme une démocratie luttant contre le terrorisme, est désormais présenté comme un État voyou. Ce renversement ne repose pas sur des faits, mais sur une désinformation systématique, impunie. Des massacres imaginaires sont repris sans vérification. Les médias s’excusent après coup – mais le mal est fait. Une fois absorbée, la fausse information s’incruste jusque dans l’esprit de nos dirigeants, désormais prêts à sanctionner un allié sur la foi de fictions virales.
Arié, cette indignation est-elle sincère ou relève-t-elle d’un double standard moral ?
C’est une indignation sélective et profondément hypocrite. L’émotion humanitaire n’est jamais neutre : elle devient arme politique lorsqu’elle vise uniquement Israël.
Car où étaient ces indignés quand la coalition a détruit Raqqa ? Qui a crié au génocide quand la Russie a rasé Grozny ou Marioupol ? Qui s’est mobilisé quand près d’un million de civils ont péri au Tigré, dans l’indifférence quasi totale, il y a moins de trois ans ?
Le traitement réservé à Israël n’est pas une exception : c’est un symptôme. Celui d’un vieux réflexe. Israël est devenu le Juif des Nations.
On ne dit plus que les Juifs empoisonnent les puits : on accuse Israël d’utiliser la famine comme arme de guerre. On ne parle plus de « buveurs de sang » : on dit qu’Israël « bombarde des enfants ». On ne prétend plus que les Juifs contrôlent le monde : on affirme qu’Israël manipule les médias et l’opinion.
L’antisionisme n’est pas une opinion parmi d’autres : c’est le masque moderne d’une haine des Juifs intemporelle, virulente, obsessionnelle. Ce que l’on permet aujourd’hui contre Israël, on l’autorisera demain contre les Juifs. Et ce que l’on tolère contre les Juifs finira, comme toujours, par se retourner contre les démocraties elles-mêmes.
Arié, que révèle cette haine persistante d’Israël ?
Elle révèle notre défaite morale. L’Occident capitule face à une propagande haineuse parce qu’elle satisfait ses réflexes pavloviens, ses complexes postcoloniaux et ses illusions pacifistes.
L’indignation n’est plus dictée par la souffrance, mais par l’idéologie. Une idéologie où la hiérarchie des victimes permet de réécrire le réel. Ce n’est plus la vérité qui compte, mais le récit qui rassure. Celui qui fait d’Israël le mal absolu, pour rendre tout le reste excusable, acceptable, justifiable.
Désormais, ceux qui soutiennent une organisation terroriste totalitaire, misogyne, homophobe et antijuif se font passer pour des champions des droits humains. Et ceux qui défendent une démocratie attaquée sont traités en complices de crimes de guerre.
Mais défendre Israël, ce n’est pas défendre un gouvernement ou une politique : c’est défendre une idée. Celle d’une démocratie libérale au cœur du chaos moyen-oriental, d’un État de droit confronté à une menace existentielle, d’un peuple qui n’a jamais connu le luxe du confort ni de la tranquillité.
Aujourd’hui, Israël est une ligne de front. Et un test. Celui de notre capacité à résister aux passions tristes, à l’aveuglement idéologique, à la paresse intellectuelle. Il est facile de suivre l’air du temps. Il est plus difficile – mais infiniment plus noble – de se battre pour ce qui est juste, même quand cela dérange.
C’est dans cet esprit qu’ELNET organise cette semaine une délégation exceptionnelle d’imams européens en Israël. Ce n’est pas un symbole, mais une tentative de rétablir le réel. Une réponse fraternelle à ceux qui prônent la division et érigent le mensonge en dogme.
Car viendra le jour où ceux qui auront cédé à la haine devront rendre des comptes. Et ceux qui sont restés debout, contre vents et marées, auront tenu l’honneur du monde libre.
Arié Bensemhoun