Bonjour Arié, cette semaine, vous souhaitez aborder la question du jour d’après à Gaza.
Bonjour,
Israël a changé de paradigme.
L’objectif n’est plus seulement la neutralisation physique du Hamas, mais sa déconstruction politique et idéologique. Il s’agit désormais de saper les fondations de son pouvoir : le discréditer, l’isoler, lui couper l’accès à une aide internationale qu’il détournait, revendait, et utilisait pour asseoir sa domination.
Le processus pour détruire la matrice d’un pouvoir bâti sur la corruption, la peur et la misère, est en cours. Jour après jour, le Hamas perd son emprise sur Gaza, et nous nous rapprochons de ce fameux « jour d’après ».
Dans cette nouvelle stratégie, l’effort militaire s’accompagne d’un projet politique : créer les conditions de l’émergence d’une administration alternative non-affiliée au Hamas.
Grâce à l’opération Chariots de Gédéon, les premières « bulles humanitaires » commencent à voir le jour pour créer des zones civiles protégées, sans présence du groupe terroriste, administrées par des acteurs locaux crédibles.
Ce n’est donc plus seulement une guerre contre une organisation terroriste, mais aussi une bataille pour reconstruire un espace politique viable sur un territoire trop longtemps gangréné par l’islamisme, l’irrédentisme et une haine viscérale des Juifs et d’Israël.
Que pensez-vous de la stratégie d’armer des groupes anti-Hamas à Gaza ?
Ilana, on ne peut pas bâtir l’après sans avoir défait l’avant.
Le Hamas n’est plus aujourd’hui qu’un conglomérat de bataillons éparpillés, de miliciens tapis dans l’ombre. Avant de s’engager dans le jour d’après, il faut démanteler pour de bon ce régime de terreur. Tant qu’il survivra, aucune paix durable, aucun avenir digne, aucun espoir de vie libre ne sera possible.
Et dans une guerre asymétrique, une stratégie reste d’une efficacité redoutable : exploiter les divisions internes. L’ennemi de mon ennemi peut devenir un allié. Et armer des groupes anti-Hamas, c’est briser leur monopole de la violence, affaiblir leur pouvoir, et surtout redonner une part de contrôle aux Gazaouis eux-mêmes.
Cela permet de faire émerger des poches de résistance là où régnait la peur, d’empêcher le Hamas de se retrancher dans les communautés qu’il contrôlait, et d’instiller dans la bande de Gaza l’idée qu’une alternative est possible.
Le vide laissé par le Hamas ne peut rester vacant. Il doit être occupé, et vite, avant qu’il ne s’y réinstalle. Et cela ne peut se faire qu’avec ceux qui connaissent chaque rue, chaque ruelle, chaque clan.
Les alliances en temps de guerre ne sont jamais idéales. On ne les choisit pas pour leur pureté morale, mais pour leur efficacité stratégique.
Et surtout, n’oublions pas un point fondamental : chaque cessez-le-feu est un danger pour les opposants au Hamas. Pendant ces pauses, le groupe sort de l’ombre, les traque, les torture, les élimine. Armer ces « résistants », c’est sécuriser les zones libérées, les protéger, et empêcher que la libération des otages n’aille pas de pair avec la résurrection du Hamas.
Arié, pensez-vous que tous ces efforts permettront d’en finir définitivement avec le Hamas ?
La donne est simple, Ilana.
Depuis des décennies, à Gaza, celui qui contrôle l’aide humanitaire contrôle le territoire. Et ça, le Hamas l’a parfaitement compris.
Le priver de cette ressource, c’est l’asphyxier. C’est l’exclure du jeu. La diplomatie française, qui répète à l’envi sa volonté d’un « jour d’après » sans le Hamas, devrait soutenir ce processus au lieu de le condamner systématiquement sans raison, comme vient de le faire à nouveau le Président de la République !
Mais tous ces efforts ne sont qu’un début. Il reste encore beaucoup à faire. Notamment améliorer progressivement le processus de distribution de l’aide humanitaire, qui est aujourd’hui presque entièrement entre les mains des Américains et d’Israël, et auquel il faudra y intégrer des Gazaouis opposés au Hamas. Ce serait la première pierre d’une future administration civile crédible, en attendant la réforme en profondeur de l’Autorité palestinienne, qui tarde à venir…
Et plus largement, il est temps de responsabiliser une population que la communauté internationale n’a cessé de déresponsabiliser. On ne peut pas éternellement absoudre les Gazaouis des conséquences de leurs choix, de leurs votes, de leurs soutiens au Hamas et aux radicaux.
Il est temps de faire émerger à Gaza un véritable sentiment d’émancipation.
Émancipation du Hamas, qui oppresse.
Émancipation d’une communauté internationale qui excuse tout.
Et surtout, émancipation d’une idéologie islamiste, qui enferme Gaza dans une illusion mortifère totalement déconnectée des réalités du XXIe siècle.
C’est cette triple rupture — militaire, politique et idéologique — qui fera tomber le Hamas et, espérons-le, faire renaître Gaza.
Un Gaza dénazifié, comme l’Allemagne d’après-guerre.
Un Gaza déradicalisé, à l’image de ce qui a été entrepris en Arabie saoudite ou aux Émirats arabes unis.
Un Gaza libéré de la haine, de la violence et des guerres qu’elles entraînent.
Arié Bensemhoun